A Copenhague, le film « Mimosas » fait sensation

La projection du film « Mimosas », en fin de semaine dernière, a été un des moments forts du cycle cinématographique « Nuits arabes », initié par la cinémathèque de Copenhague, du 19 août au 10 septembre.

« Jamais un film, qui plus est parlant de l’Afrique, n’a drainé autant de spectateurs. Opération de marketing ou mérite esthétique, à vous de juger ! », a lancé à l’adresse d’une salle archi-comble Rasmus Brendstrup, éditeur de programmes à la Cinémathèque.

S’il est vrai que cette production maroco-hispano-française (1h33) a été largement encensée par la critique depuis sa sortie en août 2016, sa projection sous-titrée en anglais dans un pays nordique relevait à tout le moins de la gageure.

Pour parer aux différences des codes culturels justement, les organisateurs ont fait appel au chercheur marocain Joshua Abdallah Sabih, professeur associé à l’Université de Copenhague, qui a livré un survol cavalier sur la foi, la spiritualité et la religion au Maroc.

« Ce film ne parle pas de religion uniquement, il évoque dans un style littéraire les péripéties de ses personnages et leur quête d’accomplissement », a-t-il prévenu avant la projection.

Selon lui, ce film aura réussi, par la densité des dialogues, la polyphonie des dialectes et des parlers, les changements de cadre et la beauté des spectacles, à lever le voile sur les changements profonds qui s’opèrent au Maroc, un pays où modernité et archaïsme se frôlent, s’enchevêtrent et créent le mouvement.

Contrairement à de grosses productions s’étant servi d’Ouarzazate comme lieu de tournage, « Mimosas » a donné la parole à des acteurs amateurs qui ont gardé leurs propres noms dans ce film, a-t-il fait observer.

Aussi, a-t-il précisé, le film est d’abord une invitation au voyage, à la rencontre, à la découverte de l’Autre, tel que conçu par son réalisateur Olivier Laxe, un franco-espagnol établi à Tanger, la ville qu’il a en partage avec le célèbre écrivain américain Paul Bowles.

M. Sabih a rappelé que ce dernier disait, entre autres, que la différence importante entre un touriste et un voyageur « est que le premier accepte sa propre civilisation sans remise en cause, contrairement au voyageur, qui la compare avec les autres, et rejette les éléments qu’il ne trouve pas à son goût ».

Sur fond de cette invite au voyage, le film s’ouvre sur une fresque donnant à voir les silhouettes d’une cité perchée aux pieds d’une chaine de montagnes enneigées, histoire d’introduire le spectateur aux évènements à suivre.

Le synopsis indique qu’il s’agit d’une caravane d’hommes et de chevaux se préparant à accompagner un vieux cheikh à travers les montagnes de l’Atlas vers Sijilmassa, la cité-martyre et imaginaire, auprès de sa famille lointaine. Sauf que la mort n’attend pas.

Lorsque la caravane arrive dans les zones les plus inhospitalières de la montagne, certains hommes renoncent au voyage et refusent de s’exposer au danger, car personne ne connaît de chemin viable.

Le vieux cheikh s’éloigne du groupe pour s’isoler et meurt plus tôt que prévu. Seuls deux petits voyous (Ahmed Hammoudi et Aagli Said), auxquels se joint un sage-idiot (Shakib Ben Omar) décident de continuer le chemin avec la dépouille, trouvant ainsi enfin un sens à leur vie. Ils devront alors affronter les dangers des rivières, des chemins escarpés et des ennemis cachés.

Le tournage de cette œuvre majestueuse et mystérieuse, contemplative et mystique, s’est déroulé entre Marrakech, Ouarzazate et les infinies étendues caillouteuses, pistes poussiéreuses, lacs et rivières débordantes du Haut-Atlas marocain.

« Oui, la montagne est tout : la voie et les obstacles. Mais j’ai essayé que la confrontation des personnages avec la nature ne soit pas romantique. Ils ne sont pas en quête de sens face à la nature, ni frustrés, ni perdus par un manque de sens. Ils acceptent les obstacles. L’étymologie d’ »Islam » est « abandon », l’abandon au chemin : tout ce qui est sur le chemin est parfait », avait déclaré le réalisateur du film.

Grand Prix Nespresso de la Semaine de la critique lors du Festival de Cannes 2016, « Mimosas », un road-movie mystique et épique pour certains, un western religieux pour d’autres, demeure néanmoins une œuvre de fiction, auréolée par les majestueuses crêtes enneigées du Haut-Atlas, qui se déploie avec toute sa plénitude, toute sa grandeur.

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